L’équipe de Brice Bathellier à l’Institut de l'Audition, centre de l’Institut Pasteur, a récemment démontré que les réponses auditives des neurones en état d’éveil et en état d’anesthésie sont différentes.
L’ouïe est initiée par la détection des ondes sonores dans l’oreille. Après cette étape cruciale, l’information sensorielle reçue est transformée par une succession de circuits cérébraux qui construisent pas-à-pas notre perception du son.
Pour étudier ces processus complexes qui ont lieu au cœur du cerveau, l’approche expérimentale traditionnelle se base sur des enregistrements de l’activité cérébrale réalisés sous anesthésie. Même si nous n’avons pas de perception auditive sous anesthésie, le cerveau réagit aux stimulations sonores et il est plus facile de contrôler les conditions de réception du son.
Il a été largement postulé que l’activité cérébrale entrainée par la perception de sons sous anesthésie est semblable à celle qui aurait lieu dans l’état d’éveil du cerveau, en particulier au niveau des premiers circuits de traitement de l’information sonore.
Cette hypothèse n’avait jamais été vérifiée ; il est en effet très difficile de suivre l’activité des neurones des premiers étages du système auditif, entre l’éveil et l’état d’anesthésie.
Avec une nouvelle méthodologie expérimentale, l'équipe de Brice Bathellier à l'Institut de l'Audition, centre de l’Institut Pasteur, a suivi l'activité neuronale du premier relai de l'information auditive : le noyau cochléaire, dans plusieurs états : sous anesthésie et en période d'éveil.
Ces expériences ont révélé que les réponses des neurones au son sont très différentes entre l’éveil et l’anesthésie. L'anesthésie atténue fortement l'activité du noyau cochléaire en l'absence de son et modifie l'identité des neurones qui vont répondre à un son donné.
Sous anesthésie, les informations transmises par le noyau cochléaire, sont largement modifiées, ce qui va impacter le traitement neuronal. Cet aspect est majeur pour l'interprétation des mesures réalisées sous anesthésie. Il était jusqu’alors passé inaperçu car même si l'anesthésie change le code auditif, elle n'impacte pas la quantité d'information auditive portée par le noyau cochléaire.
Les nouvelles données de l'équipe de Brice Bathellier, permettent ainsi de réviser l'interprétation des données acquises sous anesthésie, et promeuvent l'étude du traitement auditif dans des conditions d'éveil. Ces données démontrent aussi que le premier étage neuronal de traitement de l'information auditive est un circuit complexe dont la dynamique est fortement affectée par la pharmacologie de l'anesthésie.
Elles ouvrent ainsi la voie vers une meilleure compréhension des mécanismes de la perception auditive.
Cette étude a été publiée dans le journal Science Advances. Pour la lire, cliquez-ici.